La continuité écologique, un terme récent pour une notion ancienne
La notion de continuité écologique induit une libre circulation de la faune aquatique en tout temps et offrant accès aux zones indispensables à la croissance, l’alimentation et la reproduction. Ce principe prend également en compte le bon déroulement du transport sédimentaire.
Cette notion n’est introduite que récemment par le législateur en 2006 faisant suite à la Directive Cadre sur l’Eau et mise en avant par les lois « Grenelles » en 2009. Mais ce principe est bien plus ancien. En effet la question de la libre-circulation des poissons est formulée au sein d’une loi sur la pêche dès 1865. Celle-ci va imposer des passes à poissons afin de franchir les barrages fraîchement construits. Puis elle sera reformulée en 1919 dans le cadre d’une loi sur les rivières réservées. Ces deux lois seront modifiées dans les années 80, protégeant alors certains cours d’eau à l’aide de 2 types de classement :
- Le premier interdisant la création de nouvelle centrale hydroélectrique.
- Le second exigeant que le passage des poissons soit rendu possible.
Figure 1 – Transit sédimentaire et libre-circulation des organismes © Agence française pour la biodiversité d’après OIEau, 2019
Aujourd’hui, suite à l’adaptation de la réglementation française par la loi sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA) de 2006, on retrouve toujours un système de classement sur les rivières démontrant un enjeu de continuité écologique :
- La liste 1, vise la non-dégradation de la continuité écologique, par l’interdiction de création de nouveaux obstacles à la continuité sur les rivières
- La liste 2, vise la restauration de la continuité écologique des rivières, par l’obligation de restaurer la circulation des poissons migrateurs et le transport suffisant des sédiments, dans un délai de 5 ans après l’arrêté de classement
Lien sur la référence réglementaire : Liste 1 et 2 de l’article L214-17
Puis en 2009, un plan national d’actions pour la restauration de la continuité écologique des cours d’eau est lancé, avec comme objectif la mise en conformité avec la réglementation des ouvrages présents sur tous les cours d’eau de liste 1 et 2.
Les obstacles à la continuité écologique sont définis par différents qualitatifs :
- Les ouvrages transversaux sont comme leur nom l’indique des obstacles au travers du cours d’eau. On y retrouve des ouvrages de tailles variables sur des cours d’eau eux aussi de tailles variables. Barrages, seuils, écluses, radiers de pont, buses perchées ou trop longues sont des obstacles transversaux à la continuité écologique. En 2018, plus de 100 000 obstacles à l’écoulement ont été référencés et cela ne cesse d’augmenter (60 000 obstacles en 2010), soit 24.6 obstacles à l’écoulements pour 100 km de cours d’eau en 2019. Ces obstacles sont présents et cartographiés dans le Référentiel des Obstacles à l’Ecoulement (appelé ROE). Ce référentiel est alimenté par les différents acteurs du territoire liés à l’eau.
- Les ouvrages latéraux comme les digues, levées ou autres protections de berges sont également de potentiels obstacles à la continuité écologique. Même s’ils n’interrompent pas l’écoulement de l’eau, ces derniers empêchent ou limitent les débordements ; isolant ainsi les parties du lit majeur et les milieux annexes des cours d’eau, rompant ainsi la continuité, vitale pour certaines espèces, entre ces milieux.
Pour rappel : la fragmentation des milieux engendre la disparition d’espèces.
Figure 2 – L’impact des obstacles à l’écoulement sur les poissons migrateurs © Agence française pour la biodiversité d’après OIEau, 2019
La continuité écologique sur le territoire du SMDMCA
Les rivières du territoire du Syndicat sont riches en biodiversité, et notamment fréquentées par plusieurs espèces migratrices : Saumon atlantique, Truite de mer, Lamproie marine, Anguille.
Le bassin de la Dordogne, de l’aval du barrage du Sablier à Carennac, est une zone importante pour la reproduction de grands salmonidés. Une étude sur le suivi de la reproduction naturelle des grands salmonidés migrateurs sur ce bassin est effectuée par ECOGEA pour MIGADO de 2000 à 2020). http://www.migado.fr/suivi-de-la-reproduction-naturelle-des-grands-salmonides-migrateurs-sur-le-bassin-de-la-dordogne-en-aval-du-barrage-du-sablier-46-19-automne-hiver-2020-2021/
La Dordogne fait partie du dernier bassin versant qui abrite encore la totalité des 8 espèces de migrateurs amphihalins d’Europe. Ces poissons fascinants parcourent les rivières et les océans afin d’accomplir leur cycle biologique. EPIDOR vous propose ici une série de 3 vidéos afin de découvrir la partie continentale de leur incroyable voyage.
La reproduction est concentrée sur plusieurs rivières : en 2020, la Maronne accueille 49,3% des frayères de grands salmonidés du bassin, suivi de la Dordogne à 36,8%, puis vient la Souvigne, la Cère et la Bave (dont le Mamoul) qui en concentrent 9,6%.
Donc 95,7% des frayères des grands salmonidés du bassin de la Dordogne se trouvent sur les différentes rivières du SMDMCA. D’où un intérêt fort du territoire pour la restauration de la continuité écologique.
Ces mêmes rivières se retrouvent classées en liste 1 et en liste 2 de l’article L214-17 évoqué plus haut.
Le SMDMCA œuvre depuis plusieurs années à la restauration écologique des cours d’eau sur son territoire. En effet sur la période 2013-2018, le syndicat a mené une opération groupée de restauration de 15 ouvrages sur les bassins du Mamoul, de la Bave et de la Cère permettant la réouverture d’un linéaire total de 63 km !
Pour consulter le retour d’expérience de l’Office Français de la Biodiversité sur cette opération groupée : Opération groupée sur la Bave, le Mamoul et la Cère
Pour permettre la restauration de la continuité écologique d’un cours d’eau, il existe divers types de travaux. C’est ce que l’on peut observer sur les différentes actions menées lors de l’opération groupée :
L’effacement de l’obstacle à la continuité
Seuls 3 ouvrages sur 15 ont fait l’objet d’un effacement lors de cette opération.
L’équipement de l’obstacle à la continuité
Afin de restaurer la continuité écologique, il est possible d’équiper de différentes manières les obstacles problématiques. Ces différents procédés diffèrent selon la situation de ces derniers. Les ouvrages de l’opération groupée présentent 4 types d’équipements différents :
Installation d’une rampe rustique
Amélioration d’une passe à poissons
Mise en place de prébarrages
Création d’une rivière de contournement
Les partenaires techniques et financiers
Les partenaires financiers tels que L’Agence de l’Eau Adour Garonne (AEAG), EDF, le département du Lot, la Région Occitanie, la Fédération de pêche du Lot ont rendu possible la réalisation de l’opération groupée sur la Bave, le Mamoul, la Cère et la Sourdoire. Cette opération n’aurait également pas pu aboutir sans un partenariat étroit entre les propriétaires publics ou privés des ouvrages, le Syndicat, la DDT 46 et l’OFB sur le volet technique et réglementaire.
L’ensemble des partenaires techniques et financiers sont à nouveaux mobilisés sur les futurs projets de restauration de continuité écologique, essentiels à leur aboutissement.
Programme OPEN RIVERS
En fin d’année 2021, le SMDMCA a pris connaissance d’un appel à candidature pour un programme dénommé OPEN RIVERS, créé par la fondation ARCADIA au printemps 2021. Cette fondation possède des fonds philanthropiques dédiés à l’effacement de petits ouvrages (chute inférieure à 2m) sur des cours d’eau remarquables sous une durée limitée (études ou travaux réalisés sur une année).
Ce programme finance alors des études, travaux et communications œuvrant à la restauration de la continuité écologique à hauteur de 100%.
Le Syndicat possédant sur son territoire ce type d’ouvrage bloquant sur des rivières d’intérêt majeur, a répondu à cet appel à projet en décembre 2021, inscrivant alors 2 sites :
- Seuil du Moulin Bas : Il s’agit ici d’un ouvrage bloquant équipé d’une passe à poissons peu fonctionnelle. Ce dernier se situe en Corrèze sur la rivière Souvigne. Ce cours d’eau accueille une population importante de poissons migrateurs et notamment de grands salmonidés venus se reproduire. 8% des frayères de grands salmonidés présentes dans le bassin de la Dordogne proviennent de ce cours d’eau. https://openrivers.eu/projects/202202207-restoration-of-the-ecological-continuity-of-the-souvigne/
- Seuil du Pont de Rhodes : C’est un ouvrage bloquant situé dans le Cantal sur le ruisseau de la Ressègue. Ce cours d’eau est riche en population de moules perlières classées par l’UICN comme en danger critique d’extinction. https://openrivers.eu/projects/202202181-restoration-of-the-ecological-continuity-of-the-ressegue-river/
Coût prévisionnel candidature | Financement conventionné OPEN RIVERS | Autre financeur | Reste à financer SMDMCA € TTC | |
Pont de Rhodes Phase étude | 13 200 € TTC (dont 1500 € pour l’AMO de ERN France) | 13 200 € TTC (100%) | / | / |
Pont de Rhodes Phase MOE/ travaux | 71 980 € TTC (dont 4100 € pour l’AMO de ERN France) | 71 980 € TTC (100%) | / | / |
Moulin Bas Phase étude | 15 960 € TTC (dont 1560 € pour l’AMO de ERN France) | 15 960 € TTC (100%) | / | / |
Moulin Bas Phase MOE/travaux | 379 480 € TTC (hors charges de fonctionnement) | Nouveau dossier à déposer | EDF 18 000 € TTC | / |
Les deux seuils n’ont plus d’usage aujourd’hui, ne possèdent pas de droit d’eau et étaient soumis à une mise en conformité imposée par l’État. Nous avons évidemment candidaté après accord des propriétaires.
La candidature est accompagnée par SOS Loire Vivante – ERN France interlocuteur entre OPEN RIVERS, le SMDMCA et toutes autres structures françaises participant au projet.
Courant mars 2022, OPEN RIVERS a donné une suite favorable à la pré-sélection des deux sites, puis après une phase de demande de compléments, le SMDMCA est informé de l’issue positive pour les deux projets pour les phases études. Les études, financées ainsi à 100% par la fondation, ont ainsi pu démarrer à l’été 2022. Elles sont menées par le CPIE Corrèze pour le Pont de Rhodes et Hydrétudes pour Moulin Bas.
La phase travaux a également fait l’objet d’une demande de financement, obtenue en avril 2024 pour le seuil de Pont de Rhodes. Pour le seuil de Moulin Bas, la demande a pour le moment été rejetée en raison de travaux d’accompagnement de la mesure d’effacement importants et ne bénéficiant pas d’autres co-financements significatifs en dehors d’EDF. Une phase de consultation des partenaires sera donc engagée à la rentrée pour envisager des partenariats complémentaires avant le dépôt d’une seconde candidature.
Pour plus d’information sur ces programmes et actions :
Suivi de la Fédération Départementale de Pêche du Lot
A partir de 2013, un suivi scientifique réalisé par la fédération de pêche du Lot a été couplé à l’opération groupée sur la Bave, le Mamoul et la Cère. Il consiste à :
- Un suivi des paramètres environnementaux (température sur la Bave et le Mamoul et hydrologie à la station hydrométrique de la Bave) utiles à l’identification des conditions propices aux espèces piscicoles ciblées.
- Des inventaires piscicoles via des pêches électriques à l’amont et à l’aval des ouvrages depuis 2013 jusqu’à 2016. Puis un suivi à partir de 2017 en partenariat avec l’association MIGADO. Ces inventaires ont été accompagnés de marquage sur certaines espèces (Truite Fario et Anguille) à l’aide de pits-tags.
- Un suivi de la reproduction de la Truite Fario depuis 2019 sur huit tronçons de la Bave et du Mamoul dans le but d’inventorier les frayères de salmonidés.
Résultats connus du suivi :
- Pour la première fois depuis 2013, sur la commune de Cornac, les suivis ont révélé la présence de jeunes saumons au stade de tacons sur le Mamoul.
- Des petites anguilles sur la Bave font preuves de migrations et de reproductions récentes.
- Il a été observé une recolonisation de l’Ombre Commun sur la Bave.
- Les techniques de capture – marquage – recapture ont révélé un déplacement des truites sur les axes.